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Married… With Children
Il y a des séries dont on doit parler, parce qu’elles sont incontournables, qu’elles sont cultes et qu’il faut absolument les avoir vues… Et puis il a des séries dont on doit parler, pas forcément pour leur attirer du public, mais parce qu’elles sont des repères dans l’histoire de la série télévisée. « Married… with Children » est une de celle-là, une de ces séries qu’on ne peut pas recommander au-delà du raisonnable mais qui ne sera jamais oubliée.
Plantons le décor, mais pour une fois, pas celui de la série… Nous sommes en 1987. Lancée quelques mois auparavant, la toute-puissante Fox Television d’aujourd’hui n’est alors qu’une jeune chaîne qui n’a pas encore trouvé ses « Simpsons » et n’ose même pas encore rêver d’un « American Idol ». Par tous les moyens, il lui faut se faire connaître et affirmer son identité. Et pourquoi pas essayer aussi du côté de la sitcom ? Et pourquoi pas tenter le coup de pied dans la fourmilière ? Avec « Married… With Children », ce sera un grand coup de pied dans les fesses.
Il faut dire qu’au moment où est diffusé le premier épisode de cette série, les téléspectateurs américains sourient gentiment aux mésaventures proprettes de la famille Keaton dans « Family Ties », opinent poliment aux morales de « Kate & Allie », supportent encore celles du « Cosby Show », somnolent en attendant que Tony et Angela de « Who’s the Boss » couchent enfin ensemble et se consolent en regardant les cabotineries de Bruce Willis dans « Moonlighting »… Bref, très largement de quoi leur laisser du temps de cerveau disponible pour les sponsors.
Alors, forcément, l’arrivée sur les écrans de la famille Bundy ne va pas passer inaperçue. Ils sont à l’opposé des familles « prêt-à-regarder » des autres sitcoms. Évacués les bons sentiments et les morales toute faîtes ! Balayés les clichés de la famille moyenne qui communie à l’église ou autour d’un barbecue ! La seule chose que les Bundy partagent, c’est leur nom de famille. Al, le père, est un looser né, Peggy, la mère, est une feignasse vulgaire, Kelly, la fille, est une quiche sans cervelle et Bud le fils est un obsédé qui fonce les yeux fermés sur les traces de son père. Bientôt, la famille Bundy est rejointe par des voisins, un couple jeune et beau et motivé dont les valeurs toutes positives vont, au contact des Bundy, se flétrir comme des fleurs fauchées.
L’humour est très gras, très souvent (presque toujours) en dessous de la ceinture, mais il faut reconnaître que les répliques sont excellentes, jonglant avec dextérité du premier au troisième degré. Ed O’Neil (Al) et Katey Sagal (Peggy) se renvoient la balle avec un bonheur visible et rajoutent sans cesse des tics à leur personnage, comme s’il le construisait au fil des épisodes. David Faustino (Bud) et Christina Applegate sont encore très jeunes et paraissent, dans la première saison, un peu déconcertés par leur personnage, qu’ils jouent sans trop de conviction, mais rapidement, ils relèvent le défi que leur imposent O’Neil et Sagal et ramassent leur part de la comédie.
En plus d’être totalement décalée dans son sujet, la série ne se gène pas pour parodier le genre lui-même. On s’y moque des rires enregistrés, par exemple, en les exagérant parfois jusqu’au pénible et les changements de casting du mari de Marcy, la voisine, font l’objet de clins d’œil hilarants.
On comprend donc pourquoi le bouche à oreille a parfaitement marché et comment « Married… With Children » est devenue un énorme succés, qui va courir sur 11 saisons (262 épisodes !), et rafler au passage des récompenses qui irritent. La série sera par la suite diffusée partout dans le monde. On devine aussi qu’elle a déclenché toutes sortes de réactions puritaines, qui sont même allées jusqu’à l’interdiction de certains épisodes.
Dans une interview, Ed O’Neil raconte que lorsqu’ils tournaient les premiers épisodes de la série, ils étaient tous (créateurs, acteurs, réalisateurs) persuadés que leur audience était minime et que, par conséquent, ils pouvaient bien faire ce qu’ils voulaient. C’est peut-être là le secret du succés de la série : en ne cherchant pas forcément à plaire au plus grand nombre, elle a pu trouver son originalité. Avec son ton nouveau, elle a probablement libéré pas mal d’auteurs. Certainement, elle a forcé les diffuseurs à plus de prudence avant de jeter un projet à la poubelle sous prétexte qu’il est « hors-cible ». Elle a prouvé qu’on pouvait faire de l’audience avec quelque chose de totalement différent.
Les créateurs de la série sont Ron Leavitt. et Michael J. Moye qui, à cette époque et bien qu’encore très jeune était déjà un « vieux de la vieille » de la sitcom (d’où son désir furieux de changer la done ?) . Dans la (longue) liste des scénaristes qui ont écrit sur cette série, on remarque plein de scénaristes qui sont aujourd’hui devenus des références et les quatre acteurs principaux ont poursuivi des carrières brillantes.
Comme je le disais au début de cette note, il serait difficile de conseiller cette série pour tout le monde, mais si vous vous intéressez un peu à la sitcom vous n’avez pas le droit de l’ignorer. C’est très bien fait à tous les niveaux, remarquables sous bien des aspects et il y a de très nombreuses choses très drôles dedans qui vous garantissent au moins un éclat de rire par épisode.